Nour Aiesar Rahman ✹ C'est l'eau du désert qui est la meilleure, parce qu'on la trouve sous l'aridité des sables

Je pense que je suis né sur la terre de mes ancêtres, je dis je pense car je ne me souviens pas du jour de ma naissance mais puisque tous mes pairs sont nés à cet endroit, je me dis que je suis logiquement né parmi les miens.

J'ai grandi dans une oasis qui n'a pas de nom pour les humains, nous nous l'appelons Eayn Zarqa', l'Œil Bleu. Je me souviens des bribes de mon enfance, des jeux que nous inventions ensemble avec les autres enfants... les rires, la joie. Dans mon souvenir, il n'y avait pas de nuages à cette époque-là. Juste de l'insouciance et du bonheur. Une douce liberté et un avenir où tout était possible.

Et puis, il y a eu l'accident. Accident, ce mot me fait doucement laisser échapper un rire froid, pour d'autre il s'agit d'un incident. Des mots si faibles pour un attentat.
Les humains aiment s'approprier les ressources qui ne leur appartiennent pas, et un Oasis de la taille du nôtre en plein désert, cela attire forcément les convoitises. Ils nous ont attaqués. Nous avons résisté, les avons repoussés. J'étais petit en ce temps-là, mais mes souvenirs restent en moi terriblement vivaces. Ce jour-là, j'ai vu mes parents mourir sous mes yeux.

Suite à cela, ma tante n'a plus voulu que je reste là et m'a emmené dans un autre Oasis, là où elle vivait. Ma tante a toujours eu à cœur le bien de la famille, elle avait des idées très affirmées et je pense que cela a toujours été. En devenant notre matriarche par la force des choses, elle a pu les mettre en exergue.

Aux côtés de sa fille, j'ai été drillé, encadré, élevé. C'était une éducation ferme, dure et froide, mais je me sentais de toute façon un peu mort avec la disparition de mes parents. La seule lumière de ma vie à cette époque ? Assurément ma cousine : Samina. Elle est devenue ma confidente, mon amie, la prunelle de mes yeux, c'est sans doute grâce à elle que je n'ai pas sombré.

Toute ma vie, j'ai pensé que mes parents étaient tous deux des Ifrits, des djinns de Feu. En tout cas pour ma mère j'en étais certain et vu que les familles de Djinns n'ont toujours voulu que des unions entre nous, ou avec des humains, mon père ne pouvait être pour moi qu'un ifrit ou qu'un humain. Dans mes souvenirs, je ne parvenais pas à me rappeler si mon père usait de magie. Je le voyais s'amuser, rigoler à mes côtés, jouer avec moi et ma mère, mais de ses pouvoirs ? Rien. Aucun souvenir.

A dix-sept ans, je me suis rendu à une cérémonie de passage à l'âge adulte au sein des miens, c'est la première fois que je remettais les pieds dans l'Oasis de mon enfance. Cela faisait dix années.
C'était pour moi très étrange, bizarre même. J'avais la sensation d'être chez moi et en même temps de m'y sentir étranger. J'avouais ne pas savoir au fond de moi si j'étais heureux d'être là ou pas. Nous ne devions ne rester que quelques jours, et j'en profitais pour assister à une fête organisée par une de nos grandes familles. Des djinns de tout horizon étaient présents et les boissons étaient parfois quelque peu magiques. C'était la première fois depuis bien longtemps que je me sentais aussi libre et j'avoue que j'abusais de cette nouvelle liberté. Des souvenirs en moi refirent surface et je m'évanouis.

Au petit jour je rentrais là où nous séjournions et ma Tante voulu m'emmener. On me proposa de rester... Je sentais que j'avais besoin de réponses, de me réapproprier mon moi-même intérieur si je puis dire et pour la première fois, je fis mon propre choix. Je décidais de rester. Ma tante partit pincée, droite et froide comme toujours, emmenant ma cousine, mon double, ma seule attache. Son regard alors que sa mère l'emmenait me vrille encore tout entier. Je crois qu'elle n'a pas compris ma décision.

Je me retrouvais seul, dans ma famille, oui, mais où je ne connaissais finalement pas vraiment les gens. Enfin j'avais là un cousin que je redécouvrais et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'au fil du temps passé avec lui, je le trouvais de plus en plus attirant. Avec lui, profitant de ma nouvelle liberté, j'explorai les alentours, le désert, bien sûr, mais pas seulement. Nous allâmes même jusqu'à visiter d'autres Oasis mais aussi des Grottes et d'autres lieux où vivaient des Djinns. Les seuls endroits que toujours j'évitais durant ces trois années, c'était les endroits où je pouvais croiser des humains. Rien que penser à ces êtres me faisaient avoir froid en moi. Je ne voulais ni en connaître, ni en fréquenter et Hassan respectait cela.

A force de passer tout mon temps avec Hassan et de me rapprocher de lui, nous finîmes par tomber amoureux et à nous aimer. Que m’importait alors qu’il fut mon cousin éloigné, je me sentais simplement bien avec lui à mes côtés. Au début nous faisions attention dans la famille mais pas au-delà alors que nous évoluions dans des terres éloignées et puis cela s’est su. Personne ne sembla pourtant nous juger et je pensais que cette vie ne prendrait jamais fin.

Un jour, alors que je m'étais changé en aigle et voletait de ci-delà, je m'étais fort éloigné de ma zone de confort. Un peu par hasard, j'entrais dans un territoire des Djinns du Ciel, des sylphes. Je fus très rapidement encerclé mais une vieille sylphe vint alors et nous convia tous à la suivre. Ce jour-là, j'en appris énormément sur moi-même... Jamais un autre djinn n'aurait dû pouvoir franchir leur barrière de protection, et j'avais réussi sans même m'en rendre compte pour une seule et unique raison. Cette vieille sylphe était ma grand-mère, la mère de mon père.

J'étais le fils de deux peuples, j'étais le fils d'une Ifrit et d'un Sylphe. Un être qui n'aurait jamais eu le droit de vivre si les Grands Anciens l'avaient appris. J'étais... spécial. Unique. J'étais l'enfant de deux mondes. Restait à savoir si le Vent m'avait lui aussi autant que le Feu... J'ai créé ma première bourrasque ce jour-là, une toute petite brise, mais cela les avait tous mis en joie. Ils étaient si vivants, si chaleureux. Je n'avais pas l'habitude de tout ça. Je promis de revenir, souvent, et je rentrais sur mes terres auprès d’Hassan.

Au début, j’avouais garder pour moi cette rencontre mais je ne peux tenir le secret bien longtemps et je finis par tout lui avouer. Au début, il voulu que je les oublie et que je taise à jamais cette part de moi-même de peur que les anciens de notre monde l’apprennent et ne décident de m’éliminer. Je savais que pour mon peuple, un être tel que moi ne pouvait exister et pourtant ma famille du vent m’adorait, et Hassan aussi… Je choisis de ne pas l’écouter au début, et nous nous éloignâmes un peu.

Durant quelques années, un peu plus de cinq, je fis des allées retours entre leur domaine et l'Oasis où j'étais né, apprenant de plus en plus à manier la dualité qui m'habitait. Je me sentais enfin complet, plus complet que je ne l'avais jamais été. Quant à ma relation avec Hassan ? Et bien elle s’était arrangée et nous étions proches à nouveau. Tout semblait aller pour le mieux pour moi.

Malheureusement toute joie semble devoir avoir une fin et je fus rappelé au Domaine de ma tante. Avait-elle eu vent de mes attirances pour la gente masculine et pour mon cousin éloigné en particulier ? C’était plus que probable, cependant elle ne m’en parla pas mais durant quatre années, elle tenta de me trouver femme afin que j’offre une descendance à ma propre lignée. Si je pus garder contact avec Hassan, je ne pus bien entendu plus le voir durant tout ce temps et je dois dire que ce fut pour moi particulièrement dur. Je pense que cela le fut aussi pour lui. Notre relation qui ne devait être qu’en pause quelques temps fut mise entre parenthèse totale. Nous ne savions si un jour nous pourrions revenir l’un vers l’autre, mais la vie des Djinns est longue et il ne faut jamais dire jamais lorsque nous sommes concernés hormis si la Mort s’en mêle.

Malgré toutes les tentatives de ma chère tante pour me trouver chaussure à mon pied, aucune femme du monde des Ifrits ne trouva grâce à mes yeux. Ne restait plus que le monde que je me répugnais à fréquenter, le monde des humains. Sept années, sept ans, c’est le temps qu’elle m’imposa de passer parmi eux. Un chiffre des plus magiques, et si le temps écoulé, je ne trouvais femme et ne pouvait ramener un enfant comme descendance, elle me laisserait en paix et je pourrai avoir le temps, le temps et le droit de vivre pour moi.

C’est ainsi que je débarquais à Dubaï sous l’identité d’un jeune et riche cheikh de passage.

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